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#687 Est-il justifié de croire à la résurrection de Jésus ?

July 13, 2021
Q

Cher Dr Craig,

Je suis un ardent chercheur. Des philosophes comme Thomas Nagel, Edward Feser, John Searle et Raymond Tallis m'ont convaincu que la compréhension matérialiste et mécanique du monde est fausse (curieusement, la plupart de ces philosophes sont athées). Je suis actuellement théiste et suis parvenu à cette conclusion après de longues réflexions philosophiques sur la contingence et l'intelligibilité de l'être. Je souscris principalement à une conception théiste classique de la réalité. L'étape suivante consiste à évaluer si oui ou non Dieu/la cause première est intervenu d'une manière ou d'une autre dans l'histoire.

Je connais bien les arguments historiques en faveur de la résurrection que vous (en particulier à travers votre œuvre approfondi sur le sujet de 1989), Wright, Licona et Habermas avancent. Actuellement, je suis arrivé à la conclusion que je suis plutôt agnostique en ce qui concerne la résurrection. Même en considérant le témoignage de Paul qui s’appuie également sur le fait que de nombreuses autres personnes avancent un témoignage similaire, je pense qu’il n’est pas justifié de recourir à une explication surnaturelle. En effet, la distance historique du récit a pour effet d’occulter de nombreuses choses. Si je trouvais des écrits anciens dans lesquels quelqu'un mentionnait qu'un panda bleu en lévitation était apparu, à lui-même et des tierces personnes, au Forum Romain et qu'il y avait 500 témoins encore vivants, je douterais immédiatement de la véracité de ces affirmations, car elles invoquent un événement surnaturel. Même si un prophète l'avait prédit, j'en douterais encore. En fait, je penserais qu'un tel prophète avait prédisposé ses disciples à une telle hallucination. Je supposerais probablement un effet d’optique, une sorte de mirage, ou encore une hallucination collective. Je pense qu'une sorte d’hallucination collection peut être une explication viable concernant le témoignage primitif des chrétiens concernant la résurrection de Jésus.

Certains Juifs croyaient en une résurrection des morts à la fin des temps. Ils étaient donc prédisposés à pouvoir vivre une hallucination dans laquelle le Christ soit une de ces personnes ressuscitées des morts. En fait, si, comme le soutiennent certains érudits chrétiens, le Christ avait prophétisé sa résurrection, cela ne ferait que renforcer l'hypothèse selon laquelle les disciples étaient prédisposés à une telle hallucination. C'est sans doute aussi la raison pour laquelle de nombreux chrétiens croyaient que la fin des temps était proche, car ils avaient des visions du Christ qui, selon eux, signalaient le début de la résurrection de la fin des temps. Peut-être Paul a-t-il également exagéré les preuves à l'appui afin de justifier sa propre hallucination. Tant que des explications naturelles viables peuvent être proposées, devons-nous vraiment envisager une explication surnaturelle ?

Merci d'avoir pris le temps de me lire,

Bruce

États-Unis

Dr. Craig

Dr. craig’s response


A

Je suis si heureux que vous cherchiez la vérité sur Jésus et sa résurrection. On dirait que vous avez parcouru un long chemin.

La question de savoir si une explication surnaturelle des faits concernant le destin de Jésus est justifiée n'est qu'un des nombreux exemples émanant du problème très ancien de la capacité d’identifier un miracle. C'est, en effet, une question très difficile, pleine d'incertitudes. Heureusement, je pense que dans le cas de Jésus, une inférence à une explication surnaturelle est tout à fait raisonnable et, je devrais dire, justifiée. J'aborde longuement cette question dans mon livre Reasonable Faith, auquel je vous renvoie.

Stephen Bilynskyj propose de qualifier un évènement E de miracle à l’aide des critères suivants [1] :

(1) Les preuves expliquant l’apparition de E sont au moins aussi bonnes que celles d’évènements possibles mais inhabituels ayant eu lieu à une distance égale du sujet de l’enquête dans le temps et l’espace ;

(2) Une explication par un événement de la nature et/ou par la puissance d’une causalité naturelle et pertinente permettant d’expliquer l’évènement E serait maladroite et ad hoc ;

(3) La seule preuve qui démontrerait la capacité d’un ou de plusieurs agents naturels à produire l’évènement E est son caractère inexplicable ;

(4) Il y a possibilité de justifier une explication surnaturelle de E, même en occultant son caractère inexplicable.

Ces critères semblent tout à fait corrects, et il ne reste donc qu'à les appliquer au cas de la résurrection de Jésus.

En ce qui concerne le point (1), je constate immédiatement que vous n'avez pas inclus toutes les preuves pertinentes pour E. Vous vous concentrez uniquement sur « le témoignage de Paul qui s’appuie également sur le fait que de nombreuses autres personnes avancent un témoignage similaire » concernant les apparitions post-mortem de Jésus. Je suppose qu'à cet égard, vous êtes influencé par Habermas et Licona, qui se concentrent également sur le témoignage de Paul dans I Corinthiens 15, sous-estimant ainsi grandement le fondement probant de la résurrection de Jésus. De même, N.T. Wright, que vous mentionnez également, se concentre sur un seul aspect des preuves qui sous-tendent la conclusion relative à la résurrection de Jésus, à savoir l'origine de la croyance des disciples selon laquelle Dieu a ressuscité Jésus des morts, ce qui sous-estime également le fondement des preuves de la résurrection de Jésus. Aucun de ces auteurs ne présente toute l'étendue des preuves de E.

Une présentation complète des preuves qui sous-tendent l'inférence de la résurrection de Jésus doit inclure les trois faits suivants ainsi que tous les faits subsidiaires qu'ils impliquent :

1. Le dimanche suivant la crucifixion de Jésus et son inhumation par Joseph d'Arimathie, le tombeau de Jésus a été découvert vide par un groupe de disciples féminins, dont faisait partie Marie-Madeleine.

2. Par la suite, divers individus et groupes de personnes, dont Pierre, Jacques et les Douze, ont assisté à des apparitions de Jésus vivant.

3. Les premiers disciples en sont venus soudainement et sincèrement à croire que Dieu avait ressuscité Jésus d'entre les morts, malgré toutes les prédispositions contraires.

Comme c'est le cas dans une affaire judiciaire, c'est la force cumulative de toutes les preuves, et non un seul élément de preuve, qui constitue le fondement du verdict.

Ce que vous faites ensuite, c'est déserter l’affaire en cours pour commencer à raisonner par analogie. « Si je trouvais des écrits anciens dans lesquels quelqu'un mentionnait qu'un panda bleu en lévitation lui était apparu, etc. » Il s'agit d'une mauvaise méthodologie historique. Vous ne pouvez pas rejeter les preuves sur la table en vous basant sur une analogie d'une situation hypothétique imaginaire qui présente très peu de similitudes avec les preuves en question. Votre défense ne répond manifestement pas au critère (4) de Bylinskyj. Il ne serait donc pas justifié de faire valoir une explication surnaturelle. La raison pour laquelle vous devriez douter de la véracité de telles affirmations n'est pas « parce qu'elles invoquent un événement surnaturel ». Si c'est la raison, alors vous ne faites que soulever la question contre les miracles, et nous devons laisser tomber la discussion sur les preuves de la résurrection de Jésus et revenir à la question du théisme et de la possibilité (et non de l'identification) des miracles. Étant donné que vous affirmez embrasser le théisme, vous ne devriez pas exclure une explication simplement parce qu'elle invoque une cause surnaturelle. Ce qui rend plutôt injustifiée une explication surnaturelle dans votre cas imaginaire, c'est le non-accomplissement du critère (4).

En revanche, la résurrection de Jésus, en tant qu'explication des trois faits mentionnés ci-dessus, répond au critère (4). Car l'explication surnaturelle est donnée immédiatement dans le contexte religio-historique dans lequel l'événement s'est produit. La résurrection de Jésus n'était pas simplement un événement anormal, se produisant en dehors de tout contexte ; elle est aussi le point culminant de la vie et des enseignements sans précédent de Jésus. Comme l'explique Wolfhart Pannenber :

La résurrection de Jésus acquiert une portée aussi décisive, non seulement parce que quelqu'un est ressuscité d'entre les morts, mais surtout parce que ce quelqu'un est Jésus de Nazareth, dont l'exécution a été fomentée par les juifs sous prétexte qu'il avait blasphémé Dieu. La revendication d'autorité de Jésus, par laquelle il se positionnait comme Dieu, était blasphématoire aux yeux des Juifs. C'est pour cela que Jésus a été diffamé devant le gouverneur romain en étant décris comme un rebelle. Si Jésus a vraiment été ressuscité, sa revendication a été visiblement et sans ambiguïté confirmée par le Dieu d'Israël [2].

Ainsi, le contexte religieux-historique nous fournit la clé pour justifier une explication surnaturelle des faits.

Considérons maintenant le critère (2) de Bilynskyj. Là encore, votre histoire imaginaire du panda bleu ne répond pas à ce critère. Expliquer les déclarations concernant le panda comme « effet d’optique, hallucination collective, etc. » serait à la fois maladroit et ad hoc. Faut-il que je répète toutes les objections existantes envers l'hypothèse de l'hallucination concernant la résurrection de Jésus [3] ? J'espère que non. Comme l'ont montré Licona, Habermas et Wright, essayer d'expliquer le tombeau vide, les apparitions post-mortem et la naissance de la croyance des disciples en la résurrection de Jésus par des hallucinations est très peu plausible, voire quasi impossible.

De même que le critère (3) n'est pas satisfait dans le cas du panda bleu. Nous avons des raisons de penser qu'un tel conte est fictif, et il y a donc une explication naturelle à cela, à savoir que nous savons que vous l'avez inventé ! En revanche, dans le cas de Jésus, nous n'avons aucune trace d'une quelconque explication naturelle du tombeau vide, des apparitions post-mortem et de l'origine de la foi des disciples autre que son caractère surnaturel !

Lorsque j'ai lu votre message pour la première fois, il était clair pour moi que votre analogie ne répondrait pas aux critères de Bilynskyj, mais je n'avais pas réalisé qu'elle ne répondait à aucun des quatre critères ! Donc, lorsque vous concluez : « Je pense qu'une explication viable concernant le témoignage primitif des chrétiens concernant la résurrection de Jésus puisse être une sorte d'hallucination collective », il me semble qu'il s'agit d'un très mauvais raisonnement historique.

Dans votre dernier paragraphe, vous essayez de montrer qu'il y a certaines raisons de penser qu'une explication naturelle (hallucination collective) est une explication viable des faits, comme l'exige le point (3). Mais les raisons que vous mentionnez sont très faibles : (1) la croyance juive en la résurrection eschatologique aurait tout au plus pu conduire les disciples à avoir des visions de Jésus dans les cieux. Dans ce cas, ils en seraient venus à croire que Jésus avait été enlevé au ciel. Cela aurait été en ligne avec les croyances juives de cette époque, alors que croire en une résurrection corporelle individuelle contredisait les croyances juives de l’époque. (2) Les prophéties de Jésus concernant sa résurrection auraient prédisposé les disciples à cette hallucination. Le problème pour vous dans ce raisonnement, est qu'une démarche valable ne peut sélectionner selon son bon vouloir uniquement des passages de l'évangile allant dans le sens souhaité. Les apparitions corporelles post-mortem de Jésus sont davantage étayées que les prophéties de Jésus, que d'ailleurs certains spécialistes pensent avoir été ajoutés après coup. Donc, si vous acceptez les prophéties, vous devez accepter les apparitions post-morterm, et dans ce cas, l'hypothèse d'hallucination devient intenable. (3) Vous dites que les visions du Christ ont conduit les chrétiens à penser que la fin du monde était proche. Cette objection n'a pas de sens. Vous devez penser que parce qu'ils pensaient que la fin était proche, ils ont donc eu ces visions. Mais il s'agit là d'une non sequitur. (4) Paul aurait exagéré ses écrits pour appuyer sa propre hallucination. Une psychanalyse de ce type concernant des personnages historiques comme Paul est impossible, c'est pourquoi les historiens rejettent les tentatives de rédaction de psycho-biographie. Encore une fois, je vous encourage à lire ce que les auteurs que vous avez mentionnés ont écrit sur l'hypothèse de l'hallucination collective.

Donc, c'est vrai, « tant que des explications naturelles viables peuvent être proposées », nous n'avons pas vraiment besoin de considérer une explication surnaturelle. Il s'agit du critère (3) de Bilynskyj. Mais l'hypothèse de l'hallucination n'est pas viable. Ainsi, sur la base des critères de Bilynskyj, nous pouvons conclure que la résurrection de Jésus en tant que meilleure explication des trois faits mentionnés ci-dessus est à la fois raisonnable et justifiée.

Prenez le temps de réfléchir à tout cela.


[1] Stephen S. Bilynskyj, «Dieu, la nature et le concept du miracle» (thèse de doctorat, Université de Notre-Dame, 1982), p. 222.

[2] Wolfhart Pannenberg, Jésus — Dieu et l'homme, trad. LL Wilkins et DA Priebe (Londres: SCM, 1968), p. 67.

[3] Ceux-ci sont expliqués en détail dans mon The Resurrection: Fact or Figment?, Avec Gerd Lüdemann, éd. Paul Copan, avec des réponses de Stephen T. Davis, Michael Goulder, Robert H. Gundry et Roy Hoover (Downers Grove, Ill .: Inter-Varsity Press, 2000).

- William Lane Craig