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#679 Débat avec Alex Malpass

April 30, 2020
Q

Bonjour Dr Craig,

J'ai vraiment apprécié entendre vos échanges avec le Dr Malpass concernant le commencement de l'univers sur la chaîne YouTube Capturing Christianity. Je n'avais pas réalisé à quel point le sujet était si nuancé et je suis très enthousiaste à l'idée de me plonger davantage dans votre travail sur le sujet, ainsi que dans celui de personnes comme Pruss, Koons et Loke. Lorsque Malpass a présenté son objection concernant la symétrie des événements passés et futurs, vous avez mentionné que vous aviez une réponse en cinq points, mais vous n'aviez pas pu les passer tous en revue au cours de ce débat. Pourriez-vous partager et expliquer ces cinq points ?

Vincenzo

Canada

Canada

Dr. Craig

Dr. craig’s response


A

Alex lui-même m'a envoyé un message après notre échange pour me demander quelles étaient mes cinq réponses à "l'objection de symétrie", comme je l'appelle, contre l'argument de la finitude de la série d'événements passés. Vous avez raison de dire que la constellation de questions qui se posent à propos de cet argument est fascinante et intéressante aussi bien pour les non-théistes que les théistes !

En guise de critique, l'objection de symétrie affirme que si l'argument contre un nombre infini d'événements passés est valable, il devrait en être de même pour un argument contre un nombre infini d'événements futurs.

L'ironie de cette objection est que je suis tout à fait d'accord avec le fait que la série d'événements futurs ne peut être infini en acte, pas plus que la série d'événements passés ne peut être infini en acte ! Donc, en ce sens, je suis d'accord avec l'objection de symétrie. Mais je prétends qu'il ne découle pas de la finitude de la série d'événements futurs que la série d'événements futurs doit prendre fin.

La série d'événements futurs peut être finie mais sans fin. Dans ce cas, la série est infinie en puissance. Ce point de vue est tellement répandu et communément accepté dans l'histoire de la philosophie et de la science que les opposants ont une charge de preuve considérable à supporter s'ils veulent montrer que ce point de vue est intenable. Sont-ils capable de porter le fardeau de la preuve ?  Je ne le pense pas, pour cinq raisons.

1. L'objection est soit ad hominem , soit une pétition de principe. Comme Alex l'a reconnu, l'objection tend à être ad hominem, non pas dans le sens offensant, mais dans le sens où elle n'a de force que contre des personnes particulières, par exemple, celles qui croient en l'immortalité personnelle ou, dans le cas de la formulation de l'argument par Andrew Loke (voir (4) ci-dessous), contre les théistes. Si l'on essaie d'éviter cette caractéristique ad hominem en prétendant qu'il est clair que la série d'événements futurs peut être infinie, on semble avoir soulevé la question. Car l'objection ne fait rien pour exposer une faille dans le raisonnement appuyant un commencement de la série d'événements passés. Elle permet d'affirmer qu'il existe un argument solide contre l'infinitude du passé qui s'applique également à l'infinitude du futur. Sans réfuter cet argument, elle suppose simplement qu'un avenir infini est possible, ce qui remet en question l'argument.  L'objection est donc à la fois une pétition de principe et / ou ad hominem.

2. Il est plausible que la série d'événements passés et futurs ne soit pas parfaitement symétrique. Conformément à une théorie temporelle du temps, selon laquelle le devenir temporel est une caractéristique objective de la réalité, il n'y a pas d'événements postérieurs à l'événement présent et, par conséquent, pas d'événements futurs. Ainsi, une théorie temporelle du temps implique qu'un nombre infini en acte d'événements futurs n'existe pas ; en effet, le nombre d'événements futurs est de 0.  La série d'événements postérieurs à tout événement dans le temps, y compris la singularité cosmologique initiale, est toujours finie et s'accroît toujours vers l'infini comme limite. En d'autres termes, une telle série est infinie en puissance. Georg Cantor a appelé l'infini en puissance "un fini variable". Si la série d'événements futurs est infinie en puissance, alors la série d'événements futurs est finie mais sans fin.

En revanche, la série d'événements antérieurs à tout événement dans le temps ne peut pas être infinie en puissance, car pour qu'elle le soit, il faudrait qu'elle soit finie et en même temps croissante dans le sens antérieur, ce qui contredit la nature du devenir temporel.  Une série sans commencement de tels événements doit donc être infinie en acte.

Examinons la prémisse d'Alex :

1. Si une série d'événements passés sans commencement est impossible, alors une série infinie d'événements futurs est impossible.

Cela oblige Alex à considérer qu'il n'existe pas de monde possible dans lequel la série d'événements a un début mais pas de fin. En d'autres termes, il doit affirmer que la perspective selon laquelle la série d'événements est infinie en puissance est non seulement fausse mais impossible. C'est une thèse radicale qui porte une lourde charge de preuve.

3. Landon Hedrick, lui-même qui n'est pas un ami de l'argument cosmologique de kalām, a proposé une version argumentative en faveur de la finitude du passé qui n'est pas sujette à l'objection de la symétrie. Elle se présente ainsi :

(1) Il ne peut y avoir un monde dans lequel un nombre infini en acte de choses ont été actualisées.

(2) Si le monde actuel est un monde dans lequel l'univers a un passé éternel, alors il y a un monde dans lequel un nombre infini en acte de choses a été actualisé.

(3) Donc, le monde actuel ne peut pas être un monde dans lequel l'univers a un passé éternel.

Cette version de l'argument en faveur de la finitude du passé évite tout prétendu parallélisme avec le futur.

4. La version d'Andrew Loke de l'argument en faveur de la finitude du passé n'est pas sujette à l'objection de la symétrie. Loke montre que si l'on tient à la possibilité d'une régression temporelle infinie des événements, il est facile de prouver qu'un nombre infini en acte de choses peuvent exister simultanément. Loke se représente la régression infinie des événements comme des événements consistant à la construction de chambres d'hôtel depuis l'éternité du passée. Dans le temps présent, nous aurions un hôtel avec un nombre infini en acte de chambres. En revanche, si la construction d'un tel hôtel devait commencer dans le temps présent, il n'aurait jamais un nombre de chambres infini en acte, bien que la construction se poursuive sans fin vers l'infini comme seule limite.  De ce fait, un avenir sans fin ne génère pas les mêmes absurdités qu'un passé infini.

La réponse d'Alex à Loke implique un changement d'opérateur modal illicite. Alex pense que si Dieu peut faire exister chaque pièce future dans une série infinie d'événements, alors Il peut faire exister tous ces événements dans le moment présent. C'est une erreur. Il ne découle pas de la capacité de Dieu à provoquer l'existence présente d'une pièce future particulière qu'il est capable de provoquer l'existence présente de toutes les pièces futures. Donc, ce raisonnement est logiquement un sophisme modal. Ainsi, Loke a tout à fait raison de nier que la possibilité d'un futur sans fin implique la possibilité de l'existence d'un nombre infini en acte de choses, contrairement à la possibilité d'un passé sans commencement.

5. La version d'Alexander Pruss de l'argument en faveur de la finitude du passé n'est pas sujette à l'objection de la symétrie. L'argument de Pruss en faveur de la finitude d'une série d'événements passés est basé sur l'impossibilité pour un événement d'être l'effet d'un nombre infini de causes. Il montre qu'un événement ayant une infinité de causes est truffé de paradoxes. Cela exclut une régression causale infinie des événements mais pas une progression causale sans fin des événements, car dans ce dernier cas aucun événement n'est l'effet d'une infinité de causes.

La plupart de mes réponses sont exposées dans mon article "The  Kalām Cosmological Argument," dans Two Dozen (or so) Arguments for God's Existence, ed. T. Dougherty et J.Walls (Oxford: Oxford University Press, 2018), p. 389–405. Que d'autres se joignent à la conversation !

- William Lane Craig