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Comment Christ peut-il être le seul chemin vers Dieu?

Summary

Une proposition de réponse sérieuse au problème du pluralisme religieux et du sort des non-évangélisés.

Introduction

J'ai récemment pris la parole dans une grande université canadienne sur le sujet de l’existence de Dieu. Après mon exposé, une étudiante furieuse a écrit sur sa carte de commentaires : « J’étais d’accord avec vous jusqu'au moment où vous avez commencé à parler de Jésus. Dieu n’est pas le Dieu des chrétiens ! »

Cette attitude imprègne la culture occidentale d’aujourd’hui. La plupart des personnes peuvent consentir au fait que Dieu existe ; mais dans notre société pluraliste, il est devenu politiquement incorrect de dire que Dieu se soit révélé en Jésus d’une manière exclusive.

Pourtant, c’est exactement ce que nous enseigne le Nouveau Testament. Prenons par exemple les lettres de l’apôtre Paul. Il invite les non-juifs devenus chrétiens à se rappeler de leur situation avant leur conversion : « Souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde. » (Éphésiens 2.12). Les premiers chapitres de sa lettre aux Romains exposent que cette triste condition est en réalité la condition de l’humanité en général.  Paul explique que la puissance et la divinité de Dieu sont révélées par l’ordre de la création autour de nous, afin que les hommes soient sans excuse (Rm 1.20) et que Dieu a écrit sa loi morale dans le cœur de chaque être humain, afin qu’ils soient moralement responsables devant lui (Rm 2.15). Bien que Dieu offre la vie éternelle à tous ceux qui répondent de façon appropriée à la révélation générale de Dieu dans la nature et dans leur conscience (Rm 2.7), le triste fait est que les gens ignorent Dieu et se moquent de ses lois au lieu d’adorer et de servir leur Créateur (Rm 1.21-32). Conclusion : tous les hommes sont sous l’emprise du péché (Rm 3.9-12). Pire encore, Paul poursuit en expliquant que personne ne peut se racheter par le biais d’une vie juste (3.19-20). Heureusement, Dieu a pourvu une échappatoire : Jésus est mort pour les péchés de l’humanité, satisfaisant ainsi aux exigences de la justice de Dieu et rendant possible la réconciliation de l’homme avec Dieu (Rm 3.21-26). Grâce à sa mort expiatoire, le salut est maintenant offert comme un don que l’on doit accepter par la foi.

La logique du Nouveau Testament est claire : l’universalité du péché et le caractère unique de la mort expiatoire de Christ impliquent qu’il n’y a pas de salut en dehors de Christ. Comme l’ont déclaré les apôtres : « Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes par lequel nous devions être sauvés » (Actes 4.12).

La doctrine particulariste était aussi scandaleuse à l’époque de l’empire romain que dans la culture occidentale actuelle. Les premiers chrétiens se voyaient souvent sévèrement persécutés, torturés et mis à mort parce qu’ils refusaient d’adopter une approche pluraliste concernant la religion. Cependant, avec le temps, lorsque le christianisme a commencé à supplanter les religions de la Grèce et de Rome pour devenir la religion officielle de l’empire romain, le scandale s’est atténué. D'ailleurs, pour des penseurs médiévaux comme Augustin et Thomas d'Aquin, une caractéristique de la vraie Église était sa catholicité, c’est-à-dire, son universalité. Pour eux il semblait impensable que le grand édifice de l'Église chrétienne, qui se répandait dans tout le monde civilisé, soit fondé sur une fausseté.

La disparition de cette doctrine est survenue avec « l’expansion de l’Europe », qui fait référence aux trois siècles d’exploration et de découverte commençant, ayant eu lieu environ entre 1450 à 1750. Par les voyages d’hommes comme Marco Polo, Christophe Colomb et Ferdinand Magellan, nous avons découvert de nouvelles civilisations et de nouveaux mondes qui ne connaissaient rien de la foi chrétienne. La prise de conscience qu’une grande partie du monde existait en dehors des bornes du christianisme a eu deux effets sur la pensée religieuse de l'époque. D'abord, elle a amené à relativiser les croyances religieuses. On s'est rendu compte que, loin d'être la religion universelle de l'humanité, le christianisme était largement confiné à l'Europe occidentale, un petit coin du globe. Aucune religion particulière, semblait-il, ne pouvait réclamer la validité universelle ; chaque société avait sa propre religion qui correspondait à ses besoins particuliers. Deuxièmement, à la lumière de cette découverte, la déclaration du christianisme d’être le seul moyen de salut semblait étroite d’esprit et cruelle. Les rationalistes des Lumières comme Voltaire se moquaient des chrétiens de leur époque, évoquant la possibilité que des millions de Chinois soient condamnés à l’enfer parce qu’ils n’ont pas cru en Christ, sans toutefois avoir eu la moindre occasion d’entendre parler de lui. De nos jours, l’afflux de migrants d’anciennes colonies dans les pays occidentaux et les progrès dans le domaine des télécommunications rétrécissant notre monde en un véritable village planétaire ont augmenté notre conscience de l’existence de la diversité religieuse au sein de notre humanité. En conséquence, le pluralisme religieux est redevenu aujourd'hui la sagesse conventionnelle.

Le problème de la diversité religieuse

Mais quel est exactement le problème censé être posé par la diversité religieuse de l'humanité ? Et pour qui est-ce censé être un problème ? Quand on se réfère à la littérature sur cette question, le débat récurrent semble se situer aux portes du particularisme chrétien. Le phénomène de la diversité religieuse est considéré comme impliquant la vérité du pluralisme, et le débat principal porte ensuite sur la question de savoir quelle forme de pluralisme est la plus plausible. Mais pourquoi penser que le particularisme chrétien est intenable face à la diversité religieuse ? Quel est exactement le problème ?

Lorsque l'on examine les arguments en faveur du pluralisme, on découvre que nombre d'entre eux sont de parfaits de sophismes ou logiques fallacieuses. Par exemple, il est souvent affirmé qu’il est arrogant et immoral d’adhérer à une doctrine quelconque de particularisme religieux car cela nécessite de considérer toute personne qui n’est pas d’accord avec cette religion particulière comme étant dans l’erreur. Cet argument est un exemple parfait du sophisme connu sous le nom d'ad hominem, qui cherche à invalider une opinion en s’attaquant au caractère moral de celui qui la défend. Ce raisonnement est faux parce que la véracité d’une opinion ne dépend pas des qualités morales de celui qui y croît. Même si tous les chrétiens particularistes étaient arrogants et immoraux, leur attitude ne prouverait en rien que leur point de vue est faux. De plus, pourquoi devrions-nous penser que l’arrogance et l’immoralité sont des conditions nécessaires pour être particulariste ? Supposons que j’aie fait tout mon possible pour découvrir la vérité religieuse face à la réalité que je vis et que j’en suis arrivé à la conviction que le christianisme est vrai. Ainsi, je décide d’accepter humblement la foi chrétienne comme un don de Dieu immérité. Suis-je dès lors arrogant et immoral parce que je crois sincèrement à ce que j’estime être vrai ? Enfin, il est essentiel de comprendre que cette objection est une épée à double tranchants. En effet, le pluraliste croit aussi que son point de vue est le bon et que ceux qui adhèrent aux traditions religieuses particularistes sont dans l’erreur. Donc, si le fait d’adopter et défendre une opinion avec laquelle beaucoup d’autres sont en désaccord signifie que nous sommes arrogant et immoral, alors le pluraliste lui-même est coupable d’arrogance et d’immoralité.

Pour donner un autre exemple de sophisme, on entend souvent que le particularisme chrétien ne peut pas être vrai étant donné que les croyances religieuses relèvent de la culture. Par exemple, si un croyant chrétien était né au Pakistan, il aurait probablement été musulman. Par conséquent, sa croyance au christianisme est donc fausse ou injustifiée étant donné quelle dépend du pays dans lequel il est né. Là encore, nous avons un exemple classique de ce que l'on appelle un sophisme génétique. On tente de disqualifier une position en critiquant la manière dont la personne est venue à prendre cette position. Le fait que vos croyances dépendent de l’époque et de l’endroit où vous êtes né n’affecte pas la véracité de ces croyances. Si vous étiez né dans la Grèce antique, vous auriez probablement cru que le soleil tourne autour de la Terre. Cela implique-t-il que votre croyance que la terre tourne autour du soleil est donc fausse ou injustifiée ? Évidemment que non ! Et encore une fois, le pluraliste se fait prendre à son propre jeu : car si le pluraliste était né au Pakistan, il aurait probablement été un particulariste. Donc, selon sa propre analyse, son pluralisme n’est rien d’autre que le produit du fait qu’il soit né dans la société occidentale à la fin du XXe siècle et le pluralisme est donc faux ou injustifié.

Nous voyons donc que certains arguments que l’on retrouve fréquemment dans la littérature contre le particularisme chrétien ne sont pas très impressionnants. Ils ne constituent pas de vrais problèmes. Toutefois, lorsque les défenseurs du particularisme chrétien répondent à ces objections, la vraie question remonte à la surface. Cette vraie question, selon moi, concerne le sort de ceux qui n’adhère pas à la foi d’un particularisme (peut-être car ils adhèrent à un autre particularisme). Le particularisme chrétien livre de telles personnes à l'enfer, ce que le pluraliste estime inacceptable.

Quel est exactement le problème avec cela ? Quel est le problème de croire que le salut est accessible seulement par Christ ? Est-ce seulement l'allégation qu'un Dieu d'amour n'enverrait pas des personnes en enfer ? Je ne pense pas. La Bible dit que Dieu veut le salut de chaque être humain « ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance » (2 Pierre 3.9). « Dieu notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2.4). Dieu parle par le biais du prophète Ézéchiel de la manière suivante :

« Ce que je désire, est-ce que le méchant meure ? dit le Seigneur, l'Éternel. N'est-ce pas qu'il change de conduite et qu'il vive ? Car je ne désire pas la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur, l'Éternel. Convertissez-vous donc, et vivez. Dis-leur : ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie ;  et pourquoi mourriez-vous ? » (Ézéchiel 18.23,32 ; 33.11).

Dans ce passage, Dieu exhorte littéralement les personnes de se détourner de leur ligne de conduite autodestructrice afin d’être sauvés. Ainsi, dans un sens, le Dieu de la Bible n'envoie personne en enfer. Il désire que tous soient sauvés, et il cherche à attirer chaque personne à Lui. Si nous prenons la décision volontaire et consciente de rejeter le sacrifice de Christ pour nos péchés, alors Dieu n’a d'autre choix que de nous donner ce que nous méritons. Dieu ne nous enverra pas en enfer, mais nous nous y enverrons nous-mêmes. Notre destinée éternelle est donc entre nos mains. L’endroit où je passe l’éternité dépend de mon libre choix. Les perdus se condamnent eux-mêmes ; ils se séparent de Dieu malgré Sa volonté et Ses efforts pour les sauver, et Dieu est attristé par la perte de ces personnes.

Le pluraliste admettra peut-être qu’en raison de la liberté des êtres humains, Dieu ne peut pas garantir que tous seront sauvés. Certaines personnes se condamnent librement en rejetant l’offre du salut de Dieu. Mais il pourrait soutenir dans ce cas qu'il serait injuste de la part de Dieu de condamner ces personnes pour toujours. Car même les péchés les plus horribles comme ceux des bourreaux dans les camps de concentration Nazis ne méritent qu'une punition finie. Donc, l’enfer pourrait être une sorte de purgatoire d’une durée qui varie selon le cas de chaque personne avant que celle-ci ne soit relâchée et admise au ciel. À la fin, l’enfer serait vide et le ciel rempli. Ainsi, l’enfer est serait incompatible, non avec l'amour de Dieu, mais avec Sa justice. L’objection accuse Dieu d’être injuste parce que la punition est trop sévère pour le crime commis.

Encore une fois, cela ne me semble pas être le vrai problème. Cette objection semble être déficiente pour, au moins, deux raisons :

(1) L’objection ne fait pas la distinction entre chaque péché que nous commettons et tous les péchés que nous commettons. Nous pourrions être d’accord que chaque péché qu’une personne commet mérite seulement une punition finie. Mais cette idée ne nous permet pas de conclure que tous les péchés d’une personne, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, méritent seulement une punition finie. Si une personne commet un nombre infini de péchés, alors la somme de tous ces péchés mérite une punition infinie. Bien sûr, personne ne commet un nombre infini de péchés durant sa vie terrestre. Mais, qu’en est-il dans l’au-delà ? Aussi longtemps que les personnes en ’enfer continuent à détester et à rejeter Dieu, ils continuent à pécher, donc à augmenter leur culpabilité et donc à multiplier leur punition. Dans un sens, on peut dire que l’enfer s’auto-perpétue. Dans ce cas, chaque péché a une punition finie, mais parce que le péché continue éternellement, il en est de même pour la punition.

(2) Pourquoi penser que chaque péché ne mérite qu’une punition finie ? Nous pouvons être d’accord que les péchés comme le vol, le mensonge, l’adultère et ainsi de suite ont des conséquences finies, et méritent donc une punition finie. Cependant, dans un sens, ces péchés ne sont pas ce qui sépare une personne de Dieu. Car Christ est mort pour ces péchés ; le prix a été payé. Il suffit d'accepter Christ comme Sauveur pour être complètement libéré et purifié de ces péchés. Mais le refus d’accepter Christ et son sacrifice semble être un péché d’un autre ordre. Car ce péché rejette délibérément la provision de Dieu pour le péché et donc sépare la personne de Dieu et de Son salut. Le rejet de Christ est le rejet de Dieu lui-même. Et à la lumière de qui est Dieu, ce péché est d’une gravité et d’une proportion infinie, et donc mérite logiquement une punition infinie. Nous ne devons pas, alors, penser à l’enfer comme étant d’abord une punition pour une panoplie de péchés que nous avons commis, mais comme la pénalité juste pour un péché d'une conséquence infinie, à savoir, le rejet de Dieu lui-même.

Ceci étant dit, le problème demeurant est peut-être qu’un Dieu d’amour n’enverrait pas des personnes en enfer qui n’ont pas été informés ou qui ont été mal informés au sujet de Christ. Mais encore une fois, cela ne me semble pas être le cœur du problème. Car, selon la Bible, Dieu ne juge pas ceux qui n’ont jamais entendu parler de Christ en fonction de leur foi ou non en Christ. Dieu les juge plutôt selon la révélation générale présente dans la nature et la conscience qu’ils possèdent. Le passage de Romains 2.7 "réservant la vie éternelle à ceux qui, par la persévérance à bien faire, cherchent l’honneur, la gloire et l’immortalité" est une offre de salut bona fide (NDT : de bonne foi ou authentique). Cela ne veut pas dire que les gens peuvent être sauvés sans Christ. Cela veut plutôt dire que les bénéfices de la mort rédemptrice de Christ peuvent être attribués à une personne sans qu’elle ait une connaissance consciente de Christ. Les personnes dans cette situation seraient semblables à des personnages mentionnés dans l’Ancien Testament tels que Job ou Melchisédech qui n’avaient aucune connaissance consciente de Christ et n'étaient même pas membres du peuple de l'alliance «Israël », et pourtant ont clairement bénéficié d’une relation personnelle avec Dieu. De même, il pourrait y avoir des Jobs des temps modernes au sein du pourcentage de la population mondiale n’ayant pas encore entendu l’Évangile de Christ.

Malheureusement, le témoignage du Nouveau Testament, comme nous l’avons observé, est que généralement les personnes ne sont pas à la hauteur des normes, bien qu’elles soient moins élevées, issues de la révélation générale. Il n’y a donc guère de raison d’être optimiste en ce qui concerne la possibilité que beaucoup de personnes, encore faut-il qu’il y en ait, soient sauvées par la seule révélation générale. Toutefois, l’important est que le salut soit accessible par la révélation générale de Dieu dans la nature et la conscience à toute personne qui n’a jamais entendu l’Évangile. Le problème posé par la diversité religieuse ne peut donc pas se porter sur le fait que Dieu ne condamnerait pas des personnes pour la seule raison d’avoir être mal, ou carrément pas, informés du salut en Christ.

Le vrai problème me semble plutôt être le suivant : si Dieu est omniscient, alors il savait qui accepterait librement l’Évangile et qui ne l’accepterait pas. Ce problème soulève des questions difficiles :

(i) Pourquoi Dieu n’a-t-il pas apporté l’Évangile aux personnes dont Il savait qu’elles l'accepteraient si elles l’entendaient, alors qu’en l’absence de l’Évangile elles rejetteraient la révélation générale qu’elles ont ?

Pour illustrer cela : imaginez un Indien d’Amérique du Nord à une époque antérieure à l'arrivée des missionnaires chrétiens. Appelons-le Ours Marchant. Supposons qu’Ours Marchant regarde un soir le ciel et en arrive à distinguer la beauté de la nature qui l’entoure. Il ressent dans son for intérieur que tout cela a été créé par le Grand Esprit. De plus, Ours Marchant en sondant son propre cœur, ressent qu’il existe une loi morale révélant que tous les hommes sont des frères créés par le Grand Esprit. Il comprend alors que nous devons vivre en nous aimant les uns les autres. Mais supposons qu’au lieu d’adorer le Grand Esprit, Ours Marchant l’ignore et fabrique des totems à d’autres esprits, et qu’au lieu d’aimer ses prochains, il devient égoïste et cruel envers les autres. Dans ce cas, Ours Marchant serait, de manière juste, condamné par Dieu car il n’a pas répondu à la révélation générale de Dieu manifestée dans la nature et sa propre conscience. Mais imaginons que, si des missionnaires étaient arrivés à son époque, Ours Marchant aurait accepté l’Évangile et aurait été sauvé ! Dans ce cas, son salut ou sa condamnation semble être le résultat d’un manque de chance lié aux circonstances. Sans qu’il en soit responsable, il est malheureusement né à une époque et à un endroit où l’Évangile n’était pas encore disponible. Certes sa condamnation est juste, mais est-ce qu’un Dieu d’amour permettrait que la destinée éternelle des personnes dépende d’un hasard géographique et historique ?

(ii) En allant encore plus loin, pourquoi Dieu a-t-il même créé le monde, tout en sachant que tant de personnes ne croiraient pas à l’Évangile et seraient perdues ?

(iii) Et surtout, pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé un monde dans lequel chaque personne accepterait librement l’Évangile et serait sauvé ?

Comment le particulariste chrétien peut-il répondre à ces questions ? Le christianisme fait-il de Dieu un être cruel et sans amour ?

Le problème analysé

Pour répondre à ces questions, il est bon d’examiner de plus près la structure logique du problème face à nous. Le pluraliste semble déclarer qu’il est impossible que Dieu soit tout-puissant et tout-aimant alors qu’en même temps certaines personnes n’entendent jamais l’Évangile et sont damnées. Cela revient à dire que les deux énoncés suivants sont logiquement incompatibles :

1. Dieu est un Dieu tout-puissant et un Dieu d’amour.

2. Certaines personnes n’entendent jamais l’Évangile et sont perdues.

Maintenant, nous devons nous demander pourquoi devrions-nous penser que (1) et (2) sont logiquement incompatibles ? Après tout, il n’y a pas de contradiction explicite entre eux. Si le pluraliste déclare que la contradiction entre (1) et (2) est implicite, c’est qu’il doit présupposer certaines propositions qui feraient ressortir cette contradiction et la rendraient explicite. La question est donc, quelles sont ces présuppositions cachées ?

Je dois vous avouer que je n’ai jamais encore trouvé, au sein de la littérature sur ce sujet, une tentative de la part de pluralistes d’identifier afin de mettre en évidence ces présuppositions cachées. Essayons donc de les aider un peu. Il me semble qu’ils doivent présupposer quelque chose de ce genre :

3. Si Dieu est tout-puissant, Il peut créer un monde dans lequel tous entendent l’Évangile et l’acceptent librement.

4. Si Dieu est un Dieu d’amour, Il préfère un monde dans lequel tous entendent l’Évangile et sont sauvés librement.

Puisque, d’après l’énoncé (1), Dieu est à la fois un Dieu tout-puissant et un Dieu d’amour, on peut déduire, non seulement, qu’Il peut créer un monde dans lequel le salut soit universel (3), mais qu’en plus, c’est le type de monde qu’Il préfère (4). Si Dieu existe notre monde devrait donc manifester une universalité dans le salut, ce qui est en contradiction avec l’énoncé (2).

Ces deux présuppositions doivent donc être nécessairement vraies si l’on veut démontrer l’incompatibilité logique de (1) et (2). La question, maintenant, est : ces deux présuppositions sont-elles nécessairement vraies ?

Examinons l’énoncé (3). Il semble incontestable que Dieu pourrait créer un monde dans lequel chaque personne entendrait l'Évangile. Mais si ces personnes sont libres, il n’est pas possible de garantir que chacune serait sauvé librement. En fait, il n’y a aucune raison permettant de croire que la proportion de sauvés et de perdus dans un tel monde hypothétique serait meilleur que dans le monde actuel ! Il est possible que dans n’importe quel monde, que Dieu puisse créer, dans lequel les personnes sont libres, certaines personnes rejettent librement Sa grâce et soient perdues. Donc, (3) n’est pas nécessairement vrai, et l’argument du pluraliste est trompeur.

Qu’en est-il de l’énoncé (4) ? Est-il nécessairement vrai ? Supposons un instant qu’il existe des mondes possibles et faisables par Dieu dans lesquels tous entendent l’Évangile et l’acceptent librement. Est-ce que le fait d’être un Dieu d’amour doit pousser Dieu à préférer un de ces mondes à un monde (comme le nôtre) où certains sont perdus ? Pas nécessairement, car les mondes dans lesquels le salut est universel peuvent avoir d’autres déficiences qui les rendent moins préférables. Par exemple, supposons que les mondes dans lesquels tous croient librement et sont sauvés sont des mondes habités par seulement quelques personnes, disons trois ou quatre. Si Dieu créait plus de personnes, au moins une d’entre elles rejetterait librement sa grâce et serait perdue. Doit-il préférer un de ces mondes peu habités à un monde dans lequel des multitudes croient à l’Évangile et sont sauvés, bien que cela implique que d’autres rejettent librement sa grâce et soient perdues ? La réponse est loin d’être évidente. Tant que Dieu donne de la grâce suffisante pour le salut de chaque personne qu’il crée, Dieu ne semble pas moins aimant s’il préfère un monde plus habité, même si cela signifie que certains résisteront librement à tous ses efforts pour les sauver et seront condamnés. Nous voyons donc que la deuxième présupposition du pluraliste n’est pas nécessairement vraie plus, de sorte que son argument est doublement trompeur.

Donc, aucune des présuppositions du pluraliste est nécessairement vraie. À moins que le pluraliste puisse suggérer d’autres présuppositions, nous n’avons aucune raison de penser que (1) et (2) sont logiquement incompatibles.

Mais nous pouvons aller encore plus loin. Nous pouvons démontrer qu’il est tout à fait possible que Dieu soit tout-puissant et tout-aimant alors qu’en même temps beaucoup de personnes n’entendent jamais l’Évangile et sont damnés. Tout ce que nous avons à faire pour cela, est de trouver un énoncé qui soit compatible avec l’idée que Dieu soit un Dieu tout-puissant et un Dieu d’amour bien que certaines personnes n’entendront jamais l’Évangile et seront perdus. Peut-on formuler un tel énoncé ? Essayons.

En tant que Dieu d’amour et de bonté, Dieu veut que le plus grand nombre possible de personnes soient sauvés et que le moins de personnes possible soient perdues. Son objectif, donc, est d’obtenir l’équilibre optimal entre les deux, c’est-à-dire de ne pas créer plus de perdus qu’il soit nécessaire pour atteindre un certain nombre de sauvés. Il est tout à fait possible qu’il existe un tel équilibre dans le monde actuel (qui comprend à la fois le futur, le présent et le passé). Il est possible que, pour créer un certain nombre de personnes qui seront sauvées, Dieu ait dû aussi créer un certain nombre de personnes qui seront perdues. Il est possible que si Dieu avait créé un monde dans lequel moins de personnes allaient en enfer, alors encore moins de personnes seraient allées au ciel. Il est possible que pour obtenir une multitude de saints, Dieu ait dû accepter une multitude de pécheurs.

On peut objecter qu’un Dieu d’amour ne créerait pas des personnes qu’Il saurait être perdues, alors qu'elles auraient été sauvées si seulement elles avaient entendu l’Évangile. Mais comment pouvons-nous savoir que ces personnes existent ? Il est raisonnable de supposer que beaucoup des personnes qui n’ont pas entendu l’Évangile n’y auraient pas cru même si elles l’avaient entendue. Supposons alors que Dieu ait ordonné le monde de manière si providentielle que tous ceux qui n’entendent jamais l’Évangile soient précisément ce genre de personnes. Dans ce cas, tous ceux qui n’ont jamais entendu l’Évangile et qui sont perdus auraient rejeté l’Évangile même s’ils l’avaient entendue. Personne ne pourrait se tenir devant Dieu au jour du jugement et dire : « Bon, d’accord Dieu, je n’ai pas répondu à ta révélation générale manifestée dans la nature et dans ma conscience ! Mais si seulement j’avais entendu l’Évangile, j’aurais cru ! » Dieu répondrait donc : « Non, je savais que même si tu avais entendu l’Évangile, tu n’y aurais pas cru. Mon jugement contre toi sur la base de la nature et de la conscience est donc juste et ne manque pas d’amour. »

Il est donc possible que :

5. Dieu a créé un monde dans lequel il y a un équilibre optimal entre les sauvés et les perdus, et que ceux qui n’entendent jamais l’Évangile et qui sont perdus n’y auraient pas cru même s’ils l’avaient entendu.

Tant que (5) est possiblement vrai, il démontre qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le fait que Dieu soit un Dieu tout-puissant et un Dieu d’amour alors même que certaines personnes n’entendent jamais l’Évangile et soient perdues.

Sur cette base, nous pouvons maintenant offrir des réponses possibles aux trois questions qui ont suscité cette étude. Traitons-les dans l’ordre inverse :

(i) Pourquoi Dieu n’a-t-il pas créé un monde dans lequel chaque personne accepterait librement l’Évangile et serait sauvé ?

Réponse : il n’est peut-être pas possible pour Dieu de créer un tel monde. Si un tel monde était faisable, Dieu l’aurait créé. Mais étant donné Sa volonté de créer des personnes libres, Dieu devait accepter que certaines d’entre elles rejetteraient librement Sa personne et Ses efforts pour les sauver, et seraient donc perdues.

(ii) Pourquoi Dieu a-t-il créé le monde, tout en sachant que tant de personnes ne croiraient pas à l’Évangile et seraient perdues ?

Réponse : Dieu veut partager Son amour et être en relation avec des êtres créés. Il savait que beaucoup d’entre eux le rejetteraient librement et seraient perdus. Mais Il savait aussi que beaucoup d’autres recevraient librement Sa grâce et seraient sauvés. Le bonheur et la béatitude de ceux qui accepteraient librement Son amour ne devraient pas être empêchés par ceux qui le refuseraient librement. Ceux qui rejettent librement Dieu et Son amour n'ont pas à avoir une sorte de droit de veto leur permettant de décider quels mondes Dieu est libre de créer. Dans Sa compassion, Dieu a ordonné le monde de façon providentielle afin d’avoir un équilibre optimal entre les sauvés et les perdus ; en maximisant le nombre de personnes qui l’accepteraient librement et en minimisant le nombre de personnes qui ne l’accepteraient pas.

(iii) Pourquoi Dieu n’a-t-il pas apporté l’Évangile aux personnes dont Il savait qu’elles l'accepteraient si elles l’entendaient, alors qu’en l’absence de l’Évangile elles rejetteraient la révélation générale qu’elles ont ?

Réponse : Ces personnes n’existent pas. Dieu dans Sa providence a ordonné le monde de telle sorte que ceux qui répondraient à son Évangile s’ils l’entendaient aient l’occasion de l’entendre. Le Dieu souverain a ordonné l’histoire humaine de sorte que dès le moment où l’Évangile a commencé à se répondre depuis la Palestine du premier siècle, il a placé sur le chemin de l’Évangile les personnes qui y croiraient s’ils l’entendaient. Lorsque l’Évangile atteint un peuple, Dieu y place de manière providentielle les personnes dont Il sait qu’elles l’accepteraient si elles l’entendaient. Dans son amour et sa compassion, Dieu veille à ce que toute personne qui croirait à l’Évangile si elle l’entendait ne naissent ni à endroit, ni à une époque, où elle ne l’entendrait pas. Ceux qui ne répondent pas à la révélation générale de Dieu manifestée dans la nature et dans leur conscience, et qui n’entendent jamais l’Évangile, ne l’auraient pas accepté même s’ils l’avaient entendu. Donc, personne n’est perdu en raison d’un accident géographique ou historique. Celui qui veut ou qui voudrait être sauvé sera sauvé.

Ce ne sont là que des réponses possibles aux questions posées. Tant qu’elles sont possibles, elles démontrent qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre, d’une part, que Dieu soit tout-puissant et tout-aimant et, d’autre part, que certaines personnes n’entendent jamais l’Évangile et soient perdues. De plus, ces réponses sont attrayantes parce qu’elles semblent également être tout à fait bibliques. En effet, Paul a déclaré, durant son allocution face aux philosophes athéniens rassemblés à l’Aréopage :

« Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, [est] le Seigneur du ciel et de la terre […] lui qui donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses. Il a fait que tous les hommes, sortis d’un seul sang, habitassent sur toute la surface de la terre, ayant déterminé la durée des temps et les bornes de leur demeure ; il a voulu qu’ils cherchassent le Seigneur, et qu’ils s’efforçassent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous, car en lui nous avons la vie, le mouvement, et l'être. » (Actes 17.24-27).

Cette allocution semble être très proche des conclusions auxquelles je suis arrivé à travers une réflexion purement philosophique !

Le pluraliste admettra peut-être la compatibilité logique entre l’amour et la toute-puissance de Dieu et le fait que certaines personnes n’entendent jamais l’Évangile et soient perdues, mais il insistera sur le fait que cette possibilité est peu probable. En effet, les gens adoptent, en général, la religion de la culture dans laquelle ils ont grandi. Dans ce cas, dira peut-être le pluraliste, il est fort probable que si beaucoup de ceux qui n’ont jamais entendu l’Évangile étaient nés au sein d’une culture chrétienne, ils auraient cru à l’Évangile et auraient été sauvés. Donc, l’hypothèse que nous avons proposée est très improbable.

Il est vrai qu’il serait extrêmement improbable que, par pur hasard, tous ceux qui n’entendent jamais l’Évangile et qui sont perdus sont des personnes qui n’auraient pas cru à l'Évangile même s’ils avaient eu l’occasion de l’entendre. Mais ce n’est pas l’hypothèse que nous présentons. Notre hypothèse est qu’un Dieu providentiel ait ordonné le monde de cette façon. Si on considère que Dieu sait comment chaque personne répondrait librement à Sa grâce dans toutes les circonstances dans lesquelles Il pourrait les placer, il n'est pas du tout invraisemblable que Dieu ait ordonné le monde comme notre hypothèse le présente. Un tel monde n’aurait pas une apparence extérieure différente d’un monde où les circonstances dans lesquelles soient née une personne sont une question de hasard. Le particulariste peut admettre que les personnes adoptent généralement la religion de leur culture et que si beaucoup d’entre ceux qui ne sont pas nés dans une culture chrétienne étaient nés dans une telle société, ils seraient devenus chrétiens de nom ou de culture. Mais une adhésion culturelle à la religion chrétienne ne les sauverait pas nécessairement. Il n’y a pas de traits psychologiques ou sociologiques qui distinguent les personnes qui deviennent réellement chrétiennes et celles qui ne le deviennent pas. Il n'y a aucun moyen, rien qu’en observant une personne, de prédire avec précision si elle mettra ou non sa confiance en Christ pour le salut, ni dans quelles circonstances elle le ferait. Puisqu'un monde ordonné providentiellement par Dieu aurait une apparence extérieure semblable à celui dont la naissance d’une personne est une question de hasard géographique et historique. Il est donc difficile de comprendre pourquoi l’hypothèse que je défends pourrait être jugée comme improbable sans pouvoir démontrer que l’existence d’un Dieu possédant une telle connaissance n’est pas plausible. Je ne connais aucune objection convaincante à cette possibilité.

Conclusion

En conclusion, les pluralistes n’ont donc pas réussi à démontrer une incompatibilité logique quelconque dans le particularisme chrétien. Au contraire, nous avons prouvé que cette position est cohérente sur le plan logique. De plus, je crois que ce point de vue n’est pas seulement possible, mais qu'il est aussi plausible. Donc la diversité religieuse de l’humanité ne remet pas en question l’Évangile chrétien qui annonce le salut en Christ seul.

En fait, pour ceux d’entre nous qui sont chrétiens, je crois que ce que j’ai affirmé peut nous aider à donner à la mission chrétienne la bonne perspective : c’est notre devoir, en tant que chrétiens, de proclamer l’Évangile au monde entier, ayant confiance que Dieu a ordonné le monde de sorte, qu’à travers nous, la Bonne Nouvelle se propage aux oreilles de ceux qui l’accepteraient s’ils l’entendaient. Notre compassion envers ceux qui pratiquent d’autres religions est exprimée, non pas en faisant semblant qu’ils ne sont pas perdus sans Christ, mais en faisant tous les efforts nécessaires pour leur communiquer le message de Christ qui donne la vie.

Et pour ceux d’entre nous qui ne sont pas encore chrétiens, vous pourriez vous demander : suis-je ici par hasard ? Est-ce seulement par hasard que j’ai lu ce message ? N'y a-t-il pas de raison ou de but pour lequel je me trouve ici ? Se pourrait-il que Dieu, dans sa providence, m'ait attiré ici de mon plein gré pour entendre la Bonne Nouvelle de Son amour et de Son pardon qu’Il m’offre par le sacrifice de Jésus-Christ ? Si c’est le cas, quelle sera ma réponse ? Il me donne une occasion ; vais-je la saisir ou vais-je lui tourner le dos et le rejeter une vous de plus ? La décision vous appartient.